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fonctions qui leur sont confiées et de communiquer avec le Comité révolutionnaire des Neuf, séant à l’Évêché.

« Varlet, président provisoire ; Fournerot, secrétaire. »

C’est en l’absence de Dobsent, retenu à la Commune, que Varlet présidait le comité exécutif de l’Évêché, et cela seul suffit à marquer l’importance des Enragés dans l’assemblée révolutionnaire des sections.

Au reste, pour le département comme pour la Commune, la réintégration n’est que provisoire.

Varlet, qui avait la frénésie du changement et qui aurait voulu exercer une influence exclusive sur la Révolution, tendait, sans doute, au renouvellement intégral des pouvoirs. Il était certainement hostile à cette investiture nouvelle. Mais il dut subir la discipline de l’espèce de contrat intervenu entre l’Évêché et Robespierre et Danton. Ainsi toutes les autorités constituées de la Commune et du département furent non pas éliminées, mais transformées. C’était vraiment une combinaison géniale, et qui eut les conséquences les plus heureuses. Tandis qu’au Dix-Août la Commune révolutionnaire s’était substituée à la Commune de Pétion, faisant surgir ainsi un pouvoir nouveau qui excita bien des rivalités et bien des ombrages, les délégués des sections, au 31 mai, se bornent à envelopper et à pénétrer de leur influence les pouvoirs déjà constitués.

Dès lors, jusque dans la Révolution, il n’y a pas rupture de continuité. La Commune allait prendre une allure nouvelle, plus vigoureuse et plus nette ; mais ce n’était pas la victoire d’une secte. Si l’Évêché avait triomphé seul, s’il avait balayé les autorités constituées, il aurait bientôt prétendu, comme fit un moment la Commune du Dix-Août, à une sorte de dictature. Entre cette dictature sectaire et la Convention, même épurée, il y aurait eu méfiance et bientôt choc.

Au contraire, la force de révolution créée par l’union de l’Évêché, du département et de la Commune était vaste ; elle n’obéissait pas aux mouvements excités de quelques patriotes fiévreux ; elle pouvait évoluer largement, en associant à son rythme toutes les énergies et toutes les popularités. Le service décisif rendu alors par le maire Pache à la France révolutionnaire fut précisément d’accepter, sans vain amour-propre, cet arrangement. S’il avait eu la vanité ombrageuse de Pétion, qui ne pardonna jamais à la Commune du Dix-Août le rôle secondaire où un moment elle l’avait réduit, il se serait offensé de cette cérémonie de l’annulation et de la réinvestiture qui paraissait faire de lui la créature et le délégué de l’Évêché. Silencieusement, et avec dignité, il accepta ce rôle, il maintint ainsi une large base à l’action révolutionnaire. Et grâce à lui, la Révolution put éliminer la funeste Gironde sans se réduire elle-même à l’étroitesse d’une secte. Par lui, l’Évêché s’incorpora à la Révolution, au lieu de se superposer ou même de se substituer à elle.