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putés de la Gironde qu’il demandait des mesures de rigueur. Mais il n’y a pas dans un seul de ses articles de cette époque une parole de sang. Il évite toutes les violences, tous les appels au meurtre qui abondent dans le Père Duchesne. Il ne désavoue pas les massacres de septembre, il les appelle « des exécutions populaires », mais quand il polémique contre Pétion qui, volontiers, flétrissait les massacreurs de septembre, ce n’est pas par une apologie des massacres qu’il lui répond. Il constate seulement qu’il aurait pu, comme maire, les empêcher et qu’il n’en a rien fait. Évidemment, il n’en désire pas le renouvellement, il sait qu’à égorger les Girondins on soulèverait toute la France. Un moment on put croire qu’il compta, comme Robespierre, sur ce que nous appellerions aujourd’hui une action purement parlementaire, et il attache une très grande importance à ce que l’appel nominal soit inscrit au règlement de la Convention.

Il n’avait pas, je crois, grande sympathie pour Hébert qu’il méprisait pour son ignorance et sa grossièreté. Il proteste avec violence contre la Commission des Douze qui veut jeter dans les cachots « les patriotes les plus chauds », mais il ne parle guère d’Hébert qu’incidemment :

« Garat, dit-il, fait voir l’injustice de l’incarcération du substitut du procureur de la Commune, ordonnée comme mesure de sûreté publique, mais uniquement due à la basse vengeance des membres de la Commission, grotesquement travestis par le Père Duchesne en inquisiteurs d’État. »

Si j’en crois le témoignage ultérieur du Diurnal publié par Dauban, c’est du ministère de la guerre, où dominaient les amis d’Hébert, c’est particulièrement de Vincent qu’il recevait des informations sur les généraux et sur les armées. Mais il n’était pas plus lié à cette coterie qu’à toute autre. Et il commençait à apparaître au loin, à nos armées révolutionnaires, comme le grand redresseur de torts, au besoin contre Bouchotte lui-même et ses agents. C’est à lui que s’adresse Lazare Hoche (dans une lettre du 12 mai, que Marat publie le 16) pour se plaindre que les officiers vraiment républicains et connaissant leur métier soient supplantés par des intrigants :

« Ami du peuple, est-il vrai que les leçons que nous venons de recevoir puissent tourner à notre avantage, et que désormais nous réglerons notre conduite, en songeant au passé ? S’il est vrai, nous ne verrons plus les traîtres, les fripons et les intrigants en place ; nos armées ne seront plus commandées par des hommes lâches, ignares, cupides, ivrognes, et sans aucune aptitude à leur état ; nos chefs connaîtront leurs devoirs, se donneront la peine de voir leurs soldats, et s’entoureront de gens de l’art : alors pouvant être respectée, la patrie va jouir d’une liberté indéfinie et d’un bonheur inappréciable.

« Mais le bonheur, et la liberté même, nous fuiront sans cesse si le Conseil exécutif nomme toujours aux emplois vacants, au hasard, et si l’intrigue obtient continuellement la préférence. Incorruptible défenseur des droits sacrés du peuple, aujourd’hui une foule d’intrigants et de suppôts de l’ancien