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de la Révolution, pour fortifier et pour régler tout ensemble le mouvement.

Mais les mesures de salut public proposées par Billaud-Varennes, ce sont les délégués des sections révolutionnaires qui vont les prendre. La section de la Cité les avait convoqués d’abord pour le 29, à quatre heures, à Notre-Dame. Mais elle pensa qu’il valait mieux, pour délibérer plus secrètement, un local plus retiré, et c’est à l’Évêché, où depuis le 28 mai siégeait déjà un comité révolutionnaire occulte nommé le Comité des Six, que les délégués se réunirent. Il y eut deux séances dans cette journée du 29, l’une à quatre heures, l’autre dans la soirée : et les délégués de l’insurrection délibéraient juste à l’heure où, aux Jacobins, Robespierre consentait à l’insurrection.

Dans ces séances insurrectionnelles de l’Évêché, le 29 mai, il y a, pour ainsi dire, deux plans de délibération. Au premier plan, il y a une réunion relativement publique, où délégués des sections et électeurs du Dix Août s’entretiennent sur un ton assez modéré des événements du jour et des décisions à prendre. Mais, au second plan, et dans l’obscurité propice à la préparation d’un coup de main, un petit nombre de commissaires des sections investis tacitement d’une sorte de mandat exécutif, déterminent les moyens d’action. Il semble bien que la Commission des Douze, au moins à en juger par les notes qu’a laissées un de ses membres, le girondin Bergoeing, n’a été avertie par sa police que de la délibération la moins décisive. Elle paraît avoir ignoré la constitution du Comité exécutif. La note remise à la Commission des Douze sur la séance de l’après-midi, laisse apparaître à peine un plan d’action :

« Il a été délibéré dans cette séance de faire une adresse à douze sections pour les engager à unir des commissaires à ceux que les autres sections ont déjà nommés pour présenter des demandes à la Convention. On a objecté que les sections, avant qu’elles puissent avoir délibéré sur cette adresse, c’est-à-dire ce soir, auraient à délibérer sur des objets bien plus importants de salut public, et, néanmoins, on a arrêté la mesure parce que personne n’a pu disconvenir qu’elle n’était point fausse, mais bien révolutionnaire.

« On a mandé à tous les cantons des départements pour les engager à coïncider avec les mesures que Paris va prendre. Des commissaires qui doivent se rendre à Versailles auront des instructions particulières.

« Une espèce de bannière assez grande, fond rouge, était sur les bancs de la salle ; elle portait ces mots : « L’instruction et les bonnes mœurs peuvent seuls rendre les hommes égaux ». Elle n’était point attachée à un bâton, et on ne comprend pas quel rapport cette bannière, qu’on ne vit pas hier, pouvait avoir avec les projets médités. »

Était-ce déjà le souci de rassurer la petite bourgeoisie de Paris et les artisans eux-mêmes contre toute crainte d’expropriation et de nivellement ?