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repliés. Donner l’assaut aux Tuileries ? Mais la Gironde perdrait au profit des forces révolutionnaires des sections la direction du mouvement. Laisser faire le roi ? Mais la patrie allait être envahie et la liberté égorgée. Proclamer sous des formes légales la déchéance ? C’était donner le signal d’une agitation de la rue. Imposer de nouveau au roi des ministres patriotes ? Cette fois, si le roi était obligé de les subir, après les avoir renvoyés, ce serait pour lui une telle humiliation, une telle diminution de pouvoir que, sous le nom du roi, la Gironde et la Révolution seraient souveraines. Et la patrie serait sauvée sans qu’une secousse violente eût été donnée à la Constitution. C’est dans cette pensée que les Girondins portèrent d’abord leur effort sur la question ministérielle.

Sans doute, si Brissot après son discours agressif du 9, avait subitement cessé le feu, c’est que la démission collective des ministres donnée le 10 suggéra à la Gironde l’idée qu’elle pourrait, au nom de la Révolution, reconquérir le ministère.

La démission collective avait été donnée pour prouver au pays que dans l’état d’anarchie où était tombée la France, la Constitution ne pouvait fonctionner. Et le roi ne remplaçait pas les ministres démissionnaires, soit pour mieux marquer cet état d’anarchie et d’impuissance, soit parce qu’en effet, à l’heure du péril, il ne trouvait pas aisément des serviteurs. C’est sans doute dans cette période que Guadet, Vergniaud et Gensonné, sollicités par un ami de la Cour, le peintre Roze, de donner leur avis sur la crise et les moyens de la conjurer, écrivirent cette sorte de consultation politique, tout à fait loyale d’ailleurs et conforme à leurs déclarations publiques, qui sera saisie plus tard dans l’armoire de fer et invoquée contre la Gironde.

« Le choix du ministère, y disaient-ils, a été dans tous les temps une des fonctions les plus importantes du pouvoir dont le roi est revêtu : c’est le thermomètre d’après lequel l’opinion publique a toujours jugé les dispositions de la Cour, et on comprend quel peut être aujourd’hui l’effet de ces choix qui, dans tout autre temps, auraient excité les plus violents murmures. Un ministère bien patriote serait donc un des grands moyens que le roi peut employer pour rappeler la confiance. » À la tribune de la Législative, le 21 juillet, au nom de la Commission des Douze, devenue depuis quelques jours la Commission des vingt-un, Vergniaud somma le roi de choisir des ministres.

« L’Assemblée déclare au roi que le salut de la patrie commande impérieusement de recomposer le ministère, et que ce renouvellement ne peut être différé sans un accroissement incalculable des dangers qui menacent la liberté et la Constitution, et décrète que le présent décret sera porté dans le jour au roi.

La Gironde espérait-elle que sous l’action combinée de ses menaces et de ses avances le roi fléchirait, se livrerait et lui remettrait en main, sans arrière-