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« Que l’empereur donc sente une fois ses propres injures ; qu’il se montre à la tête des autres puissances avec une force, mais une force imposante, et je vous assure que tout tremblera ici. Il n’y a plus à s’inquiéter pour notre sûreté, c’est ce pays-ci qui provoque à la guerre ; c’est l’Assemblée qui la veut. »

« La marche constitutionnelle que le roi a prise le met à l’abri un côté, et de l’autre son existence et celle de son fils sont si nécessaires à tous les scélérats qui nous entourent, que cela fait notre sûreté ; et je le dis, il n’y a rien de pis que de rester comme nous sommes, et il n’y a plus aucun secours à attendre du temps ni de l’intérieur.

« Le premier moment sera difficile à passer ici, mais il faudra une grande prudence et circonspection. Je pense comme vous qu’il faudrait des gens habiles et sûrs, mais où les trouver ? »

Que de ténèbres descendent à cette heure sur la terre de France ! Pendant que la Révolution s’énerve et pendant que les Girondins lui persuadent que l’empereur qui cherche à éluder le combat, est l’ennemi qu’il faut abattre, voilà la reine qui prend pour de la peur les inévitables délais que se ménagent les Girondins pour entraîner le pays à l’idée de la guerre. Surmenée d’incertitudes, la reine se précipite aussi comme les Girondins sur le chemin où elle doit périr, et où ils périront. La voilà maintenant qui provoque son frère hésitant à envahir la France.

Elle promet de trahir autant que le lui permettront les médiocres instruments dont elle dispose. Et tout cela parce que la royauté ne s’est pas résignée une minute sincèrement à accepter une Constitution qui modernisait, renouvelait peut-être pour des siècles, la force de la royauté ! Ô aveuglement ! petitesse des égoïsmes ! tyrannie des habitudes ! étourderie des ambitions ! Que la force décide et que la foudre prononce, puisque dans cette obscurité universelle la seule lumière possible est celle de l’éclair, éclair de la guerre ! éclair de la mort ! et que le destin de chacun s’accomplisse.

Fersen, qui était à Bruxelles, note dans son journal, à la date du 9 février, le passage de Simolin : « Simolin arrivé à onze heures sans aucun obstacle ; dîné avec lui chez le baron de Breteuil. Il va à Vienne de la part de la reine instruire l’empereur de leur position, de l’état de la France et de leur désir positif d’être secourus. Il les a vus secrètement ; la reine lui a dit : « Dites à l’empereur que la nation a trop besoin du roi et de son fils pour qu’ils aient rien à craindre, c’est eux qu’il est intéressant de sauver ; quant à moi, je ne crains rien, et j’aime mieux courir tous les dangers possibles que de vivre plus longtemps dans l’état d’avilissement et de malheur où je suis.

« Simolin a été touché aux larmes de sa conversation. Il m’a parlé de lettres charmantes de la reine à l’empereur, à l’impératrice et au prince de Kaunitz. M. de Mercy, qu’il a vu, lui a tenu le même langage que de coutume. Simolin lui a reproché la conduite que l’empereur avait tenue, si différente de celle