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de Mars, et bientôt avec Dumouriez. Robespierre, qui n’agissait pas, qui ne s’engageait pas à fond, était beaucoup plus difficile à atteindre.

À travers ces disputes, la Révolution penchait de plus en plus vers la guerre, et l’effet des provocations systématiques de la Gironde commençait à se faire sentir. Le 31 décembre 1791, le ministre des affaires étrangères, Delessart, communiquait à l’Assemblée une note que le ministre autrichien, le prince de Kaunitz, avait remise le 21 à l’ambassadeur de France :

« Le chancelier de cour et d’État a l’honneur de lui communiquer de son côté : que Monseigneur l’électeur de Trêves vient également de faire part à l’Empereur de la note que le ministre de Vienne à Coblentz avait été chargé de présenter ; que ce prince a fait connaître en même temps à Sa Majesté impériale qu’il avait adopté à l’égard des rassemblements armés des émigrés et réfugiés français, et à l’égard des fournitures d’armes et des munitions de guerre les mêmes principes et règlements qui ont été adoptés dans les Pays-Bas autrichiens, mais que se répandant de vives inquiétudes parmi ses sujets et dans les environs, que la tranquillité des frontières et États pouvait être troublée par des incursions et violences, nonobstant cette sage mesure, Monseigneur a réclamé l’assistance de l’Empereur pour le cas que l’événement réalisât ses inquiétudes :

« Que l’Empereur est parfaitement tranquille sur les intentions justes et modérées du roi très chrétien, et non moins convaincu du très grand intérêt qu’a le gouvernement français à ne point provoquer tous les princes souverains étrangers, par des voies de fait contre l’un d’eux, mais que l’expérience journalière ne rassurait point assez sur la stabilité et la prépondérance du principe modéré en France, et sur la subordination des pouvoirs et surtout des provinces et des municipalités pour ne point devoir appréhender que les voies de fait ne soient exercées malgré les intentions du roi et malgré les dangers des conséquences, Sa Majesté impériale se voit nécessitée, tant par suite de son amitié pour l’électeur de Trêves que par les considérations qu’elle doit à l’intérêt général de l’Allemagne comme co-État, à ses propres intérêts comme voisin, d’enjoindre au maréchal de Bender, commandant général de ses troupes aux Pays-Bas, de porter aux États de S. A. S. E. (l’électeur de Trêves) les secours les plus prompts et les plus efficaces au cas qu’ils fussent violés par des incursions hostiles ou imminemment menacés d’icelles.

« L’Empereur est trop sincèrement attaché à Sa Majesté très chrétienne et prend trop de part au bien-être de la France et au repos général pour ne pas vivement désirer d’éloigner cette extrémité et les suites infaillibles qu’elle entraînerait tant de la part du chef et des États de l’Empire germanique que de la part des autres souverains réunis en concert pour le maintien de la tranquillité publique, et pour la sûreté et l’honneur des couronnes, et c’est par un effet de ce désir, que le chancelier de cour et d’État est chargé de s’en ouvrir, sans rien dissimuler vis-à-vis de M. l’ambassadeur de France. »