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développer la tradition paternelle, leur tâche est belle, et je sais qu’elle est rude : avec la lutte universelle, ne pas déchoir est un grand effort. Je sais aussi qu’absorbés presque tout entiers par le souci de la machine industrielle, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, ils n’ont pas beaucoup de temps pour songer à la corriger. Toute innovation dans l’ordre social sera pour eux un embarras de plus ; ils porteront tout le poids des transitions pénibles. Mais aussi, si, dans les années libres de la jeunesse, ils ont rêvé à plein cœur la justice, s’ils veulent favoriser le groupement des travailleurs qu’ils dirigent et les éclairer, s’ils veulent les initier peu à peu aux conditions de la puissance économique et les introduire dans cette puissance, quelle belle vie s’ouvre devant eux ! Ils se sentiront devenir peu à peu les guides respectés d’une société libre, et ils auront réconcilié définitivement, pour le bien de l’une et de l’autre, la bourgeoisie industrielle et la démocratie.

Le boulangisme a retardé, en l’égarant, le mouvement socialiste. Il est certain qu’il y a eu, au début, dans le mouvement boulangiste, un grand mélange de socialisme dévoyé. La démocratie, dès qu’elle s’est aperçue de son erreur, s’est retirée peu à peu du boulangisme ; mais, dans ce va-et-vient, ne sachant pas comment traduire ses aspirations, elle a paru se résigner un moment à une politique de simple