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vie des plus humbles, pour l’alléger et l’ennoblir, elle est un privilège de plus, et, comme tous les privilèges, elle ne tarde point à tarir au cœur même des privilégiés les sources profondes de la joie et de la vie.

Et ces adolescents qui sont encore sur les bancs du collège et qui commencent à rêver, qui ont l’âme pleine de vagues ébauches, où se tourneront-ils, où trouveront-ils un aliment ? Devront-ils se dépouiller d’eux-mêmes de leur puissance de rêverie et de sympathie pour se borner à l’étude photographique, à la froide ou brutale peinture des milieux sociaux ? Oh ! certes, qu’ils ne reculent devant aucune observation, devant aucune réalité, devant aucune vérité : c’est ne point aimer le monde et l’homme que de s’en cacher à soi-même les tristesses et les vilenies. Mais qu’ils descendent dans la réalité, ayant toujours en eux l’idéal qui doit la transformer lentement.

Je sais bien qu’on leur conseille une sorte de dilettantisme continu. Les Maurice Barrès ne manquent pas qui veulent persuader à la jeunesse qu’il faut goûter à tout et ne tenir à rien ; mais, au point de vue même de la science de la vie, c’est un faux calcul, car l’homme ne peut connaître les choses que quand il y croit, et, après une longue vie de dilettantisme, le dilettante n’a rien vu et ne sait rien.

Quant aux jeunes gens qui vont entrer dans le commerce et dans l’industrie, pour y continuer ou y