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nouveau, par les hurlements de la démagogie, dans leurs habitudes séculaires, et ils opposaient simplement à l’héroïsme enthousiaste de la Révolution l’héroïsme fier, mais sobre et un peu sec, de la résistance paysanne. Ils défendaient leurs traditions et leurs coutumes beaucoup plutôt qu’une idée, ils se défendaient plutôt qu’ils ne défendaient leurs maîtres et leurs pasteurs. Il n’y avait point à vrai dire, entre les paysans et leurs seigneurs, cette communication, cette pénétration de vie que la légende a imaginée et qui, seule, eût pu donner un tour chevaleresque au mouvement vendéen.

Ce que l’on peut observer aujourd’hui éclaire singulièrement le passé. Vous avez vu tout à l’heure la merveilleuse floraison artistique du pays angevin : eh bien ! si vous prenez la masse de la population, il n’en est guère de moins artiste. Il y a, à Angers, un orchestre de premier ordre qui donne des concerts renommés ; il a essayé ces concerts populaires qui réussissent si bien à Paris : le peuple n’y est point venu. Les autres manifestations de l’art le laissent aussi indifférent. L’art a donc été là le produit d’une civilisation aristocratique ; il a été alimenté par les belles fortunes, les loisirs, l’esprit raffiné, le goût du luxe et des fêtes des gentilshommes des bords de la Loire. Il n’a point pénétré jusqu’aux couches profondes. Le peuple des campagnes et des villes est resté à l’état de clientèle ignorante, indifférente et asservie, et ce que