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certaine des employés aux fortunes croissantes du grand commerce, la réduction dans des limites tolérables du travail énervant qui leur est imposé, n’aurait pas seulement pour effet d’améliorer et de relever la condition des employés ; il aurait encore cet effet indirect, en ajoutant aux charges des grands capitaux, de permettre aux capitaux modestes de prolonger la lutte. Ainsi, les crises et les douleurs qui naissent des brusques transformations seraient singulièrement adoucies, et la bourgeoisie commerçante marcherait à des destinées moins mauvaises par des chemins moins rudes.

Ce n’est pas tout encore ; il y a une chose que la classe moyenne des commerçants perd peu à peu sous la pression des grands capitaux : c’est l’espérance d’arriver haut.

Le petit commerçant, le moyen commerçant, jadis, espéraient grandir, fonder une maison, non pas écrasante pour les autres, mais considérable. Cette espérance était le ressort de leur activité, la joie de leur vie. Or, sous le poids des grands capitaux, ou bien ils végètent, ou, transformés en employés, ils ne peuvent espérer atteindre jusqu’au sommet ; les sommets sont occupés, en effet, par des conseils de capitalistes, qui savent bien utiliser les facultés ardentes d’une partie de la bourgeoisie laborieuse, mais qui lui barreront toujours le chemin.