Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/540

Cette page a été validée par deux contributeurs.

FASHODA, L’ANGLETERRE ET LA PAIX

« La Petite République » du samedi 5 novembre 1898

L’affaire de Fashoda paraissait en voie de solution rapide ; et vraiment il serait trop absurde et trop criminel que ce différend mît aux prises deux grands peuples. Assurément, la France avait le droit de chercher à relier, par des postes et des moyens définis de communication, le bassin du Congo au bassin du Nil ; mais elle a le devoir aussi d’éviter tout ce qui peut paraître pure taquinerie et vexation puérile contre l’Angleterre : maintenir un petit groupe d’hommes sur le Haut Nil au moment même où l’Angleterre y dirigeait toute une armée et y livrait aux derviches une sérieuse bataille est un dangereux anachronisme. Les nationalistes, les coureurs d’aventure essaient vainement d’irriter l’amour-propre français ; il n’y a de dignité pour un peuple que s’il sait mesurer ses forces, et s’il ne s’engage pas à la légère en des entreprises qu’ensuite il faut abandonner. La France, dans son immense majorité, l’a compris ainsi, et elle ne pardonnerait pas au gouvernement qui suivrait les fanfarons de bataille et qui déchaînerait sur le pays, sur le monde entier, une