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les plus féroces par un gouvernement régulier avec lequel l’Europe avait échangé plus d’une fois, gravement, sa signature. Car c’est là ce qui domine tout : c’est le Sultan qui a voulu, qui a organisé, qui a dirigé les massacres. Il a vu que, depuis quinze ans, partout où il y avait une agglomération chrétienne, cette agglomération chrétienne tendait à l’autonomie, soit par son propre mouvement, soit sous des impulsions étrangères ; il a vu qu’ainsi, dès le début de son règne, la Bulgarie, la Serbie, la Bosnie, l’Herzégovine avaient échappé à l’empire ottoman : et il s’est dit que les revendications arméniennes, se produisant non loin de cette île de Chypre devenue, par un codicille secret du traité de Berlin, une île anglaise, pourraient bien servir de prétexte à de nouveaux démembrements. Et comme il était incapable de retenir à lui ces populations, pourtant si douces, par des réformes, par un régime d’équité et de justice ; comme il s’enfonçait de plus en plus, malgré d’hypocrites promesses, dans un absolutisme aigri et haineux, il n’a plus compté bientôt que sur une force qui, celle-là, lui resterait fidèle jusqu’à la fin : la force du vieux sentiment turc, dont parlait avec raison M. de Mun. Et c’est cette force qu’il a déchaînée contre l’Arménie. Et il a pensé, messieurs, et pensé avec raison, qu’il n’avait, pour aboutir dans ce dessein, qu’à mettre l’Europe devant le fait accompli, devant le massacre