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pus et le socialisme nouveau, qui refera le monde, il n’a pas fait encore un choix décisif ; c’est qu’il a le dégoût du présent et que l’universelle justice humaine est encore un fantôme trop lointain pour lui ; c’est qu’il erre ainsi et attend et espère, mais sans savoir encore quoi ; et quand une occasion lui est donnée de se sentir vivre, de s’affirmer, même par des acclamations vaines, et de saluer dans la personne ambiguë du visiteur qui passe sa propre espérance incertaine encore et mal définie, il se livre à la force secrète de son désir, et il veut crier à tous les vents de l’Europe qu’il est le peuple de France, qu’il se sent soulevé par des énergies inconnues, et que l’avenir est à lui.

Voilà ce que n’ont point compris les hommes d’État misérables qui conduisent encore ce peuple pour quelques jours. C’est par de fières et nobles paroles d’espérance nationale et humaine qu’ils devaient répondre à l’inquiétude secrète, au besoin de vie, d’action, d’ivresse, qui tourmente le peuple nouveau de la vieille France. Ils ont préféré ramener toute chose à la petitesse de leur propre pensée, se perdre dans d’humiliants calculs de cérémonial, et abaisser autant qu’il dépendait d’eux, par leur attitude et leur nullité, cette France républicaine qui sent tressaillir en elle sa prochaine grandeur.

Mais qu’importent ces hommes, et les Félix Faure,