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qui ébranlerait les dynasties de l’Occident ; il ne peut pas se détourner de sa propre politique et de ses desseins sur l’Orient pour nous rendre notre frontière perdue ; il ne peut pas permettre que la France républicaine crie au monde le droit des peuples opprimés, car l’ensemble des institutions politiques et sociales de l’Europe monarchique et conservatrice en serait ébranlé. Ce n’est donc pas la revanche franco-russe que le peuple pourra saluer, c’est seulement la paix franco-russe, c’est-à-dire la paix sans la revendication de l’Alsace opprimée, la paix sans l’affirmation du droit de la France, la paix telle que la veut le tsar, non telle que la veut la France elle-même. Et ce n’est certainement pas cette acceptation du fait accompli qui peut faire battre le cœur de la foule.

Se dit-elle que grâce à la Russie nous ne serons pas exposés à une invasion nouvelle, à un nouveau démembrement ? — Certes, la France a le droit de chercher toutes les garanties de sécurité. Mais personne ne lui fera cette injure de supposer qu’elle doute à ce point d’elle-même, de son énergie, de sa puissance, qu’elle attende son salut de l’étranger. Et ce n’est pas le protecteur non plus, ce n’est pas le sauveur qu’en la personne du tsar Paris acclamera.

Serait-il donc vrai, comme le disent nos journaux de réaction, que l’instinct monarchique se réveille au cœur du peuple de France, qu’il subit de nouveau