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Le gouvernement russe a exploité largement, depuis trois ans, le mouvement d’opinion qui s’est produit en France : il nous a emprunté plus de six milliards pour développer ses voies ferrées, combler le déficit de ses budgets et soutenir le cours de sa monnaie de papier ; il s’est appuyé sur nous pour ses desseins politiques dans l’Extrême-Orient ; il se donne peu à peu l’air d’être dans le monde l’arbitre souverain de la paix, et il sait bien que, dans le règlement définitif des affaires balkaniques, ce prestige accru lui sera d’un grand secours. Mais tous ces avantages que lui procure l’accord, au moins apparent, avec la France, le tsar ne voudrait pas les payer trop cher. Il veut bien se servir de nous, mais il ne veut pas se brouiller avec les autres peuples et les autres gouvernements ; aussi il évite avec soin tout ce qui peut l’engager à fond avec la France : il vient chez nous, mais après s’être arrêté chez tous les souverains de l’Europe ; et l’on annonce qu’à Paris il descendra non pas chez nous, non pas sur le sol de la France, mais à l’ambassade russe, sur le sol russe. Quand le journal le Temps a donné cette nouvelle, il a bien compris que ce refus de l’hospitalité française en France même avait quelque chose d’étrange, et il nous a gravement expliqué que sur le sol russe le tsar gardait aux yeux de ses peuples, malgré son absence, la direction effective des affaires. — Mais à Vienne, au vieux château de la Hofburg,