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blicaine ; et ils ne traitent plus en égaux, au nom d’une France fière de son droit ; ils traitent en inférieurs, au nom d’une France repentante et toute prête à donner des gages. Voilà ce qu’a fait la réaction gouvernementale des puissantes sympathies populaires qui faisaient fête au peuple russe. Et c’est cette déchéance, c’est cette « subalternisation » de la France, reconnue par les modérés eux-mêmes, qu’on demande au peuple de Paris d’acclamer sur le passage du tsar.

On lui demande aussi d’acclamer la pire réaction capitaliste. Le temps n’est plus où l’on pouvait dire que la Russie était si loin de nous par son état social qu’il n’y avait aucune analogie, aucune coïncidence possible entre la forme de la réaction russe et la forme de la réaction française. Maintenant la civilisation industrielle et capitaliste a pénétré en Russie : il y a de grandes usines à Saint-Pétersbourg et à Moscou, comme à Paris et à Roubaix ; et tout récemment, au lendemain même du sacre du tsar Nicolas, quarante mille ouvriers des fabriques, à Saint-Pétersbourg, se mettaient en grève. Ils demandaient que leur travail, un travail écrasant de quinze heures par jour, fût moins misérablement payé ; malgré le régime de servitude qui interdit toute réunion, toute discussion, la propagande ouvrière s’était faite dans les fabriques par des manuscrits distribués secrètement ; puis, un beau jour, les délégués des fabriques s’étaient tous