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Et si quelques-uns nous opposent, par un scrupule de prudence patriotique, qui ne nous est pas étranger, croyez-le bien, que ce sont les douloureux souvenirs d’il y a vingt-cinq ans qui nous conseillent à tous ou cet excès de réserve, ou cet excès de susceptibilité, je répondrai très nettement que notre pays, dans les épreuves qu’il a traversées, a peut-être perdu pour un moment quelque chose de sa substance, mais qu’il n’a rien perdu, rien laissé de sa puissance réelle, de sa fierté, de son droit plein à la liberté et à la vie.


Messieurs, vous voulez la paix ; vous la voulez profondément. Toutes les classes dirigeantes de l’Europe, les gouvernements et les peuples la veulent aussi, visiblement avec une égale sincérité. Et pourtant, dans cet immense et commun amour de la paix, les budgets de la guerre s’enflent et montent partout d’année en année, et la guerre, maudite de tous, redoutée de tous, réprouvée de tous, peut, à tout moment, éclater sur tous. D’où vient cela ?

Au risque de vous paraître affligé de la plus cruelle monotonie, je dois dire ici tout d’abord quelle est, selon nous, la raison profonde de cette contradiction, de ce perpétuel péril de guerre au milieu de l’universel désir de la paix. Tant que, dans chaque nation, une classe restreinte d’hommes possédera les grands moyens de production et d’échange, tant qu’elle possé-