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politique révolutionnaire, et que les accords intervenus résulteraient d’une coïncidence des intérêts immédiats, et non d’une dépression ou d’une domestication de la République française.

Ainsi, il me paraît oiseux de discuter l’entente franco-russe en elle-même. Elle vaut selon les conditions exactes, avouées ou cachées, explicites ou implicites, qui la déterminent. Négociée par un gouvernement fier, démocratique et hardi, elle pourrait ajouter à la sécurité immédiate de notre pays et aux chances de paix sans entamer notre énergie révolutionnaire qui est notre vraie force indéfectible, celle-là, et supérieure à tout marchandage. Si elle s’accompagne au contraire d’une sorte de prostration intérieure de l’idée républicaine, si, consciemment ou inconsciemment, elle fait partie d’un système de réaction hypocrite, si elle menace de paralysie sourde le mouvement socialiste français, elle diminue et affaiblit la France, — ou plutôt elle la livre.

Les ministres responsables devraient dire au pays en quel sens, dans quel esprit ils ont négocié, si toutefois ils ont négocié. Pour nous, nous résumons notre politique d’un mot. Il n’y a qu’une France socialiste qui puisse porter l’armée nationale à son maximum de puissance. Il n’y a qu’une France socialiste qui puisse avoir aujourd’hui dans le vieux monde monarchique une diplomatie à la fois avisée et fière.