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lités, nous n’avons pas de peine à les comprendre et, quand il ne s’y mêle pas la comédie électorale, à les respecter. Berryer s’écriait un jour : « Je me suis, en quelque sorte, éveillé au monde aux cris de gloire du premier Empire. » Les hommes de ma génération peuvent dire : « Nous nous sommes éveillés au monde aux cris de douleur de la patrie envahie. » Mais, ô prodige de mauvaise foi, on oublie de dire que les deux socialistes allemands auxquels le socialisme français a tendu la main n’ont pas été les complices de cette grande iniquité, de cette odieuse mutilation d’un peuple. On oublie de dire qu’ils ont protesté, en 1871, à la tribune allemande, contre l’annexion de l’ Alsace-Lorraine. On oublie de dire que le gouvernement de la Défense nationale les a félicités officiellement ; qu’à la suite de cette démarche, ils ont été condamnés par les juges prussiens comme coupables de trahison, et qu’ils ont été internés pendant deux ans dans une forteresse allemande pour avoir défendu contre l’insolence des casques à pointe le droit de la France vaincue. On oublie de dire qu’ils ont lutté contre Bismarck pied à pied et que ce sont eux qui l’ont abattu. On oublie de dire que l’un d’eux était, il y a trois ans, à Strasbourg, le candidat de la protestation française. On oublie de dire que, en ce moment même, les socialistes allemands font opposition au projet de loi présenté par Guillaume et de Caprivi pour accroître l’armée allemande ; que la