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LA CONFÉRENCE DE BERLIN

« La Dépêche » du Jeudi 6 mars 1890

Au moment où la France républicaine se livrait tout entière aux questions qu’on appelle pratiques, elle est brusquement tirée de son sommeil par une question du dehors. Un jeune empereur s’avise brusquement de poser devant l’Europe la question sociale ; il convoque les grandes puissances à Berlin. La France ira-t-elle à Berlin ? n’ira-t-elle pas à Berlin ? Le gouvernement dit oui, — et, à mon sens, il ne pouvait pas, il ne devait pas dire non ; mais, soudain, il y a dans le pays tout entier une sorte de malaise ; et d’où vient ce malaise ?

Ah ! certes, la France pouvait aller à Berlin grandement, fièrement, non pas en vaincue, mais en victorieuse : à une condition, c’était d’apporter là-bas, c’était de dresser, contre le faux socialisme de l’autocratie prussienne, le socialisme immense, vrai, humain, qui est contenu dans la Révolution française. Elle pouvait dire au César allemand : « Vous voulez réduire partout également dans la grande industrie la durée du travail, c’est bien ; mais nous, nous laissons aux