Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/374

Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est là une conception très ferme et très haute, et ceux d’entre les travailleurs français qui se sont livrés un moment à l’illusion d’une dictature bienfaisante reçoivent là un utile avertissement.

Enfin, ce qui a frappé tous les observateurs pendant la période électorale, c’est l’application des orateurs socialistes à instruire à fond le peuple de leur doctrine ; c’est aussi l’empressement du peuple à s’instruire du fond des choses. Les hommes politiques les plus militants ne craignent pas de passer pour des théoriciens, pour des doctrinaires, pour des pédants ; ils sont pénétrés de la pensée de Marx, de Lassalle, et ils veulent la communiquer tout entière à leurs adhérents. Le socialisme allemand n’est donc pas une coalition vague de mécontentements et d’appétits ; il représente une doctrine, une idée, et cette idée descend dans les foules. Ce qui fait la force de la nouvelle démocratie allemande, c’est la précision des idées générales. Si le socialisme français veut aboutir, il faut qu’il entreprenne partout et sans relâche l’éducation des masses populaires. La bourgeoisie française, celle même qui est instruite et qui lit, est, à l’égard de la doctrine socialiste, d’une ignorance extraordinaire, et cette doctrine n’existe guère dans le peuple qu’à l’état d’aspiration vague ou de formule vide. Le premier service que les socialistes français doivent rendre à leur idée, c’est de la bien faire connaître.