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croyez-vous que la force de cette démocratie ne sera pas décuplée par un exemple éclatant de justice sociale donné par notre pays ? Ah ! si une pareille conviction pouvait entrer dans tous les esprits, l’œuvre de réformation sociale serait bien près d’aboutir : car les sacrifices que les classes dirigeantes et possédantes peuvent refuser à l’idée abstraite du droit, elles ne les refuseraient pas à l’intérêt évident de la patrie.

Les élections allemandes contiennent, en outre, à l’adresse des socialistes français qui se sont laissé égarer dans le boulangisme, une frappante leçon. Les travailleurs allemands viennent d’être soumis aux plus séduisantes avances du pouvoir personnel : ils ont résisté. Un empereur jeune, tout puissant, semblait aller vers eux ; il ne leur apportait pas de simples paroles, il donnait des gages, il convoquait avec éclat les grandes puissances de l’Europe pour réduire à une durée supportable la journée de travail, pour fixer un minimum de salaire, pour organiser la représentation industrielle des ouvriers. Les ouvriers allemands n’ont pas perdu une minute à discuter ces avances : ils ne se sont pas détournés de leur chemin : ils ont le sentiment que, même avec de bonnes intentions, le pouvoir personnel, féodal et militaire, ne peut rien pour eux, que le bien-être ne sortira pour eux que de la paix entre les nations et de l’équité entre les hommes, et qu’il n’y a ni paix, ni justice possibles sans liberté.