Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/365

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sent que, fondée sur la victoire, elle sombrerait dans la défaite ou même dans un succès douteux. L’hostilité de la triple alliance à l’Exposition vient de là : elle y voyait non seulement le relèvement de la France, mais un rayonnement dangereux de démocratie et de liberté. Malgré la différence des temps et des situations, la triple alliance est, à certains égards, un fragment de la Sainte-Alliance. Et si la Russie n’y est plus, c’est peut-être (avec d’autres raisons) parce que, si ses souverains semblent plus menacés que les autres dans leur personne, ils le sont beaucoup moins dans leur pouvoir. La France blesserait donc au cœur l’autocratie européenne en donnant aux peuples, par un effort grandissant vers la justice, le sentiment du bien que peut faire aux hommes la liberté républicaine. Les peuples de l’Europe ne se sont jamais mieux prêtés à un pareil enseignement. Il y a comme un ébranlement universel des masses. Je ne parle pas de la démocratie italienne qui, dévoyée par quelques-uns de ses anciens chefs, comme Crispi, s’inquiète, mais ne s’est pas ressaisie. Mais, en Belgique, l’accord du parti libéral pour obtenir le suffrage universel, l’indignation soulevée par la complicité démontrée du ministère conservateur et de l’agent provocateur Pourbaix, la continuité et l’intensité de l’agitation ouvrière, tout prépare et annonce l’avènement de la démocratie sociale ; les solutions réalisées en France auraient là