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pays, et qu’il a suffi aux peuples de l’Europe, pour développer leurs armées, d’élever légèrement les droits sur les spiritueux. Si l’activité industrielle et commerciale se ranimait, les nations porteraient leur armée comme un soldat gaillard porte son sac au commencement de l’étape.

Les armements prodigieux de l’Europe n’ont rien au fond que de naturel. La puissance du nombre s’est révélée en toute chose : en politique, avec la démocratie ; en finances, avec les emprunts publics ; en stratégie, sur les champs de bataille de 1870. Lorsque, au lendemain de la guerre, pour l’emprunt de M. Thiers, quarante-cinq milliards furent souscrits, le monde fut stupéfait. Une puissance, cachée jusque-là, d’épargne, de capital et de crédit éclatait ; et cette énorme puissance d’argent devait permettre aux États une énorme puissance d’hommes. C’est cette puissance qu’ils réalisent aujourd’hui. Aux armées intermittentes de la féodalité, l’histoire a substitué les armées permanentes et restreintes de la royauté ; à celles-ci, elle substitue maintenant les armées permanentes et nationales. Il n’y a pas là une raison de croire que la paix sera nécessairement troublée. D’autant plus qu’avec la force des États s’accroît le sentiment de leur responsabilité. Je ne sais si je me trompe, mais je crois bien que les guerres frivoles sont finies, ce qui augmente de beaucoup les chances de paix.