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UN DISCOURS DE M. DE BISMARCK

« La Dépêche » du dimanche 12 février 1888

M. de Bismarck souhaite évidemment la paix, pour cette bonne raison qu’il n’a rien à gagner à une guerre. Nous avons pris l’habitude, quand il fait une déclaration, de dire : « Méfions-nous, il y a là-dessous un piège. » Mais il y a deux façons d’être dupe d’un homme : ou le croire sans examen, ou s’imaginer toujours qu’il nous trompe. Gambetta, dont le patriotisme était clairvoyant, indiquait à la France, il y a quelques années, combien il était absurde et dangereux de supposer toujours à M. de Bismarck une arrière-pensée, une combinaison machiavélique.

En vérité, si le chancelier voulait la guerre, qu’attendrait-il donc pour la faire ? Est-ce qu’il ne mettrait pas à profit le prestige du vieil empereur que guette la mort ? L’intérêt de l’Allemagne étant de garder la paix, elle ne pourrait déclarer la guerre que dans une heure d’impatience et d’énervement. Or, M. de Bismarck prend soin, précisément, de calmer les nerfs et de rassurer les esprits ; il s’applique à donner à la nation allemande un sentiment grandiose de sa force, qui lui