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concilier l’unité allemande avec la dignité des peuples allemands et la liberté des individus, combattent surtout le militarisme. Et M. de Bismarck a besoin, pour le maintenir, de créer, si on peut le dire, la peur permanente. Il ne faut pas oublier qu’aux élections dernières le nombre des opposants à l’empire a été plus grand que le nombre des fidèles ou des apeurés. En tête de cette opposition, qui voyons-nous ? Les catholiques des États du Sud et les socialistes. On sait, du reste, pourquoi les États du Sud n’aiment point l’hégémonie militaire de la Prusse ; et quant aux socialistes, qui sont un million, ils font plus qu’attaquer le militarisme : ils dénoncent sans cesse, et à la tribune même du Reichstag, l’annexion violente de l’ Alsace-Lorraine comme la cause des terreurs allemandes et des dépenses monstrueuses de l’armée. Rappelons-nous que leurs chefs ont été emprisonnés au lendemain de la guerre pour avoir protesté ; que, depuis, leur influence n’a fait que grandir, et que le désarmement, dont une réconciliation avec la France est une condition première, sera le premier article de la démocratie allemande.

Toute la question d’Alsace-Lorraine se ramène donc à ceci : « Avons-nous foi dans l’avenir de la démocratie française ? avons-nous foi dans l’avenir de la démocratie allemande ? » Si elles grandissent toutes deux, il est impossible qu’un accord n’intervienne point,