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voyait que notre pays avait foi dans une réparation pacifique, sortie du mouvement même de l’histoire. Mais n’est-ce point un rêve énervant qu’il faut repousser ? N’y a-t-il point là un prétexte imaginé par notre faiblesse, qui ne veut pas prendre un parti, qui ne sait ni oublier ni reconquérir, et qui attend sans savoir quoi ?

Je conseille à ceux qui veulent connaître l’Allemagne de lire le livre si pénétrant et si vivant que M. Lavisse vient de publier sur l’Allemagne impériale. Deux vérités dominent tout. La première, c’est que l’unité allemande était attendue, espérée depuis longtemps par la nation, qu’elle était dans la logique des sentiments depuis que l’Allemagne avait pris par la pensée conscience de son unité morale, et dans la logique des faits depuis qu’au nord de l’Allemagne une puissance militaire redoutable s’était formée. Mais il y a une seconde vérité qu’il faut bien retenir, c’est que si l’Allemagne aime l’unité allemande, elle n’aime point la forme qu’a prise cette unité, c’est-à-dire la domination prussienne. Presque tous les membres de l’empire allemand sont, chose inouïe, des vaincus de date récente. Or, c’est le militarisme prussien, devenu, depuis 1870, le militarisme allemand, qui a été l’instrument de cette défaite et qui la perpétue ; le roi de Prusse tient toute l’Allemagne par l’armée dont il est le chef. Voilà pourquoi tous ceux, en Allemagne, qui veulent