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nation où elle s’alimente, et aux sentiments, aux énergies qui animent cette nation ? L’armée sera plus forte, si l’âme présente de la nation française, avec son instinct de démocratie, s’y sent à son aise et comme chez soi ; c’est de la vie morale d’un peuple que doivent dériver toutes ses institutions, militaires ou autres, et comment interpréter cette vie morale sans faire de la politique, au sens le plus noble de ce mot ?

On ne saurait accuser le projet du général Boulanger d’abaisser, au moins directement, le niveau scientifique de l’armée. Il est vrai que, pour cette école normale militaire d’où sortiront tous les sous-lieutenants, les épreuves théoriques seront d’une médiocre difficulté. Elles ne supposeront pas une forte éducation première, et elles ne permettront pas, le niveau moyen des admis étant assez humble, un haut enseignement. Mais aussi, cette première école ne fournira qu’aux grades de sous-lieutenant et de lieutenant ; pour être un véritable chef, pour commander une unité tactique, une compagnie par exemple, il faudra passer par une école d’application spéciale à chaque arme ; là l’enseignement sera plus haut, et un essor plus hardi sera donné aux intelligences d’élite, qui se développeront enfin, en pleine puissance, à l’École supérieure de guerre.

Cette gradation des études et des difficultés, à mesure que l’officier monte, est ingénieuse, et, tout d’abord,