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la France ; mais elle n’aime guère la République. Si nous lui faisions l’amabilité de nous offrir un roi ? — Mais, messieurs, s’il vous plaît, pourquoi tenez-vous à des alliances ? Pour être indépendants de l’étranger, pour être maîtres chez vous. Voulez-vous donc que nous achetions les alliances justement par la soumission à l’étranger ?

Et puis, si la Russie se réglait sur des affinités politiques, et non sur ses intérêts de nation et ses sympathies instinctives, qui aimerait-elle par-dessus tout ? L’Allemagne, qui est, après elle, la plus raide autocratie. Qui détesterait-elle le plus ? La France. Or, c’est l’Allemagne qu’elle déteste, et la France qu’elle aime par-dessus tout. Elle paraît s’accommoder assez bien de la République française ; de grâce, ne soyez pas plus difficiles pour la Russie qu’elle ne l’est elle-même, — et laissons ces sottises.

N’avez-vous point été frappés de ceci : depuis seize ans, la France veut la paix, avec honneur, mais passionnément ; et depuis seize ans l’Europe, de très bonne foi, croit que nous méditons la guerre, ou plutôt elle le croyait encore il y a un mois ; elle ne le croit plus. Pourquoi cette suspicion ? Parce que jusqu’ici nous nous étions abandonnés à des maîtres, et que ces maîtres s’étaient abandonnés à leur folie. Cette folie de nos maîtres, on nous l’imputait : et, l’Empire tombé, on