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dissidents se ralliaient, et prenaient dans la mesure adoptée leur part de responsabilité.

Ainsi, mardi dernier, la très délicate question des crédits extraordinaires pour la transformation de nos fusils et de nos forteresses venait en discussion. N’y avait-il pas imprudence, dans l’état de l’Europe, à paraître confirmer les intentions belliqueuses que nous prêtent les malveillants ? Ce qui n’est qu’une mesure de défense ne serait-il pas interprété comme un moyen d’attaque ? Aussi les uns eussent-ils préféré un ajournement de la discussion ; d’autres auraient voulu que le ministère accompagnât la demande et le vote des crédits d’assurances formelles de paix. Le plus grand nombre disaient : « Cette question n’est pas nouvelle ; il a déjà été parlé de ce crédit en Allemagne ; il est annoncé par le ministère français depuis plusieurs mois ; il vient à son rang de discussion, ni plus tôt ni plus tard. Si l’Allemagne nous attaquait parce que, suivant son exemple, nous perfectionnons nos fusils, c’est qu’en vérité tout prétexte lui est bon, et alors elle en trouvera aisément un autre. Nous avons dit très haut, et tout le monde sait que nous ne voulons pas la guerre ; à quoi bon le répéter tous les matins ? Pas de bravade, mais pas de panique ; la dignité aussi fait partie de la prudence. » — Cet avis a prévalu, et l’unanimité des mains s’est levée dans un patriotique silence.