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et il n’était pas jusqu’au superbe cuirassier descendant au pas de son cheval l’avenue Marigny, dont le casque n’eût sous le soleil un pacifique resplendissement. L’exposition des machines agricoles, plus ou moins compliquées, attirait beaucoup de ces Parisiens que Paris n’a pas vus naître : plus d’un, j’en suis sûr, devant les savantes moissonneuses-lieuses ou les belles machines à irriguer, songeait aux beaux champs de blé murmurants où, enfant, il s’était caché, au pré en pente où il se laissait rouler à l’aventure. L’inoubliable paix de la nature et de l’enfance reprenait doucement le cœur tout entier.

Notre pays pourrait-il, s’il ne se possédait pas lui-même, s’il n’était pas son maître et son seul maître, garder au milieu des rumeurs de guerre cette fermeté vigilante et calme ? De l’autre côté du Rhin, il y a des volontés obscures et toutes-puissantes qui portent en elles la paix ou la guerre et qui pourraient déchaîner celle-ci contre le gré de l’Allemagne même. En France, il n’y a qu’une volonté, celle de la France ; et au fond de cette volonté, d’une transparence absolue, l’Europe a pu lire deux choses : un amour sincère de la paix, un inébranlable courage pour l’heure du péril. La France libre n’a qu’une diplomatie : montrer au monde toute son âme. Cette âme a pu être tiraillée par les luttes des partis, mais elle n’a point été déchirée ; et, à la moindre apparence de péril national