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plus une fiction monstrueuse qui livre à quelques hommes des forces naturelles dont ils ne savent même pas la loi, et des forces humaines dont ils ne savent même pas le nom ! Oui, partout le creux, l’hypocrisie des paroles. Il y a plus d’un siècle, Diderot pressentait ces faussetés prochaines, lorsqu’il disait dans une de ses pensées révolutionnaires : « Avoir des esclaves n’est rien ; mais ce qui est intolérable, c’est d’avoir des esclaves en les appelant des citoyens ! » Il n’y a jamais eu une société aussi audacieusement ironique que la nôtre, et l’ironie — j’en demande bien pardon à M. Barrès — ne peut pas être un principe universel d’éducation. Méphistophélès ne peut pas recommencer pour tous les écoliers de France la haute leçon ironique qu’il donnait au jeune étudiant naïf de l’œuvre de Gœthe.

Et alors, que voulez-vous que fassent vos maîtres aujourd’hui, pris entre les mots et les choses ? S’ils prennent les mots au sérieux, ils ne sont que des badauds, proie facile pour l’Église ; et s’ils prennent les choses au sérieux, ils deviennent des révolutionnaires, ils échappent à votre discipline étroite. Et il n’y a plus alors qu’une solution et qu’une issue possible : c’est qu’avec eux et par eux, comme par toute la démocratie organisée, vous rapprochiez notre ordre social de l’heure où ces formules, aujourd’hui menteuses, seront devenues des vérités ; car c’est seulement