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décisives et troublantes, ils ne peuvent pas ne pas la produire. En dépit de la fausse et banale antithèse, l’homme de pensée est nécessairement un homme d’action.

J’ai à peine besoin de leur rappeler aussi que l’Université elle-même depuis plusieurs années pousse les jeunes générations à l’action et vers le peuple. Qu’ont dit et répété des maîtres éminents, des hommes illustres ? Qu’ont dit et M. Lavisse, et M. Ferry, et M. de Vogüé, et bien d’autres, à cette Association des étudiants de Paris, qui compte tant de futurs professeurs ? Ils ont dit aux jeunes gens : Pas d’indifférence ; pas de scepticisme élégant ; pas de dilettantisme stérile. Croyez, agissez : allez vers le peuple.

Et qu’est-ce que cela signifie, je vous prie ? Cela veut-il dire simplement qu’il faut passer dans les maisons pauvres en y laissant quelques aumônes ? Mais si l’étudiant se dit que la charité la plus active pourra à peine adoucir les souffrances sociales et qu’elles ont leur racine profonde dans l’organisation économique et la forme de la propriété, s’il se dit en outre que ce n’est pas connaître vraiment le peuple que le voir seulement à l’état de mendicité, qu’il faut le voir surtout et le pratiquer dans ces vivants groupements ouvriers, où sa pensée s’affirme, où son cœur s’exalte, le voilà qui est engagé par vous-mêmes, ô sages conseillers, dans tous les orages de notre temps.