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fiancés, chefs de famille. Ils ont conquis le droit d’être mondains, d’arriver en classe gantés et avec une badine. Ils ont scandalisé de leur clientèle les tailleurs à la mode ; ils ont appris à danser, fait des visites et conduit des cotillons ; ils ont écrit des livres profanes, même des romans et des vers ; ils ont été à leur gré sceptiques et croyants ; ils ont été orateurs de loge ou se sont agenouillés dans les pèlerinages ; ils ont dépassé, par leur curiosité, par leurs travaux, le cercle le plus large des programmes les plus ambitieux ; ils ont étudié pierre à pierre cathédrales et mosaïques ; ils ont redescendu la pensée allemande de Spinoza à Hegel. Il en est même qui, toujours professeurs, ont fait de la critique théâtrale, au risque de mêler malgré eux à une somnolente explication de Salluste le frémissement intérieur des salles de spectacle, le trouble persistant des beautés féminines entrevues.

D’autres, en revanche, et comme pour réparer les entraînements profanes de l’Université nouvelle, ont jeté sur leurs épaules le manteau du philosophe antique ; ils se sont faits consolateurs des âmes affligées ; ils ont éveillé les consciences, prêché le devoir, et on a pu croire un instant que de quelque pupitre universitaire allait sortir une religion nouvelle. Et il n’est pas encore tout à fait sûr qu’il n’en sera pas ainsi. D’autres encore, et non des moins illustres, ont dépensé beaucoup de temps, beaucoup d’énergie à grouper les