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enseignement, et la robe qu’ils portaient, semi-doctorale, semi-cléricale, enveloppait un célibat éternel.

Ce n’était pas la famille seule qui était l’ennemie de l’enseignement : c’était aussi la science, oui, la science. Et il n’y a pas bien longtemps de cela. Les grandes curiosités de l’esprit sont inutiles au professeur. Elles lui sont même nuisibles. Pourvu qu’il sache bien ce qu’il doit enseigner, à quoi bon le reste ? Et s’il veut étudier sans cesse, étudier pour lui, ne risque-t-il pas de prendre en dégoût sa classe monotone, ou d’y jeter des notions qui y sont déplacées, ou de dérober à ses élèves le temps qu’il donne à d’égoïstes recherches ? Je n’appartiens pas à la même génération universitaire que M. Sarcey : j’ai été élève et professeur sous la troisième République ; mais j’ai vu le temps où des proviseurs considéraient sourdement comme un ennemi, comme un irrégulier, le professeur qui se livrait à « des travaux personnels » ; j’ai vu le temps où, dans les salles d’étude les plus silencieuses, les mieux disciplinées, on interdisait aux maîtres répétiteurs de lire parce que, tant qu’ils lisaient, ils ne surveillaient pas ; j’en ai vu qui, à l’arrivée subite du proviseur, cachaient un Virgile ou un Homère comme l’écolier surpris à lire Faublas.

L’Université s’est affranchie peu à peu de ces prohibitions plus ridicules encore qu’ignominieuses. Les professeurs ont conquis le droit d’être amoureux,