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Trop souvent aussi les maîtres réduisent les prescriptions morales à n’être que des recettes d’utilité, comme s’ils se méfiaient de l’âme et de la conscience des enfants. Erreur profonde : l’âme enfantine est beaucoup moins sensible à de petits calculs d’intérêt qu’aux raisons de sentiment et aux nobles émotions de la conscience. Madame Kergomard a montré cela l’autre jour, par quelques exemples, avec autant de précision que d’élévation.

Ne dites pas aux enfants : « Soyez propres, parce que, si vous n’êtes pas propres, vous ne vous porterez pas bien. » D’abord, cela n’est pas toujours vrai, et puis, la propreté vaut par elle-même et en dehors de toute hygiène. Il faut leur dire : « Il y a en vous quelque chose qui sent, qui pense, qui aime ; c’est ce qu’on appelle votre âme, — quelle que puisse être d’ailleurs la signification métaphysique de ce mot-là. Cette puissance de penser et d’aimer, c’est ce qu’il y a de meilleur en vous : pourquoi donc voulez-vous la loger dans un corps sordide et malpropre, quand vous choisissez un joli vase pour y mettre une jolie fleur ? Votre âme est unie à votre corps et s’exprime par lui ; elle se traduit par le son de votre voix, par la lumière de vos yeux, par la coloration de votre front, par le sourire de votre visage : pourquoi voulez-vous l’enfouir sous des souillures qui l’empêchent de se manifester et d’être visible pour les autres âmes ? » Ou encore :