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aux pauvres : les biens des couvents qui se répandaient en aumônes, les biens communaux qui limitaient l’appropriation individuelle et qui assuraient aux plus déshérités une part de jouissance dans le patrimoine collectif. Tableaux complaisants que tout cela ! Mais je ne discute pas le passé ; il est mort, et il s’agit d’aujourd’hui, il s’agit de demain. L’abbé Garnier sait bien que le socialisme veut précisément assurer au peuple, par une organisation fraternelle du travail, un patrimoine collectif, sous la forme nouvelle imposée par des conditions nouvelles. Si l’abbé Garnier le veut aussi, pourquoi combat-il le socialisme ? Et s’il ne le veut pas, à quoi sert cette évocation du passé ? Impuissance et contradiction !

La plupart se bornent à dire que, seule, la charité sauvera le monde et résoudra le problème social. « Aimez-vous les uns les autres ! » — A la bonne heure ; mais, en admettant que les âmes de métal soient subitement attendries, le premier effet de l’amour sera de chercher la justice. Or, où est la justice ? et quelle est aujourd’hui la forme de société qui serait conforme au droit ? Faire appel à la charité, c’est reculer le problème, et non le résoudre, car la charité elle-même est une aveugle sublime qui demande son chemin.

Et puis si, par hasard, malgré vos pathétiques exhortations, les hommes continuent à « ne pas s’aimer les uns les autres », que ferez-vous ? Attendrez-vous