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c’est afin que pour tout homme le salaire soit adéquat au travail. Si donc le pape les condamne, c’est par des préoccupations tout à fait étrangères au problème social ; c’est parce que les ouvriers socialistes s’organisent en dehors de l’Église, de ses dogmes et de sa tutelle ; c’est qu’ils commencent par penser librement pour pouvoir un jour travailler librement ; c’est peut-être aussi que, dans leur ardeur pour la justice, dans leur amour de l’humanité une, il y a le principe secret d’un renouvellement religieux, qui achèvera la ruine de l’institution catholique ébranlée.

Voilà pourquoi le pape est condamné, dans la question sociale, à des demi-pensées, à des demi-mesures, à des audaces suivies de rétractations, à des contradictions perpétuelles. Il dit volontiers que les gouvernements l’abandonnent et qu’il veut aller vers les peuples, et il ne peut aller vers les peuples qu’en leur apportant certaines formules de justice sociale empruntées aux peuples eux-mêmes. Mais, en se rapprochant ainsi des peuples pour renouveler et fortifier l’Église, il se rapproche du socialisme, qui, étant l’affirmation du droit humain et la substitution de la justice à la charité, est, par là même, la négation de l’Église. Alors le pape recule, effrayé, et, après avoir risqué une formule socialiste, il rentre dans l’homélie banale et stérile d’où aucune réforme ne peut sortir.

On peut dire, sans exagération, que l’allocution