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» Le travail devrait être une fonction et une joie ; il n’est bien souvent qu’une servitude et une souffrance. Il devrait être le combat de tous les hommes unis contre les choses, contre les fatalités de la nature et les misères de la vie ; il est le combat des hommes entre eux, se disputant les jouissances par la ruse, l’âpreté au gain, l’oppression des faibles et toutes les violences de la concurrence illimitée. Parmi ceux-là même qu’on appelle les heureux, il n’est presque point d’heureux, car ils sont pris par les brutalités de la vie ; ils n’ont presque pas le droit d’être équitables et bons sous peine de ruine ; et dans cet état d’universel combat, les uns sont esclaves de leur fortune comme les autres sont esclaves de leur pauvreté ! Oui, en haut comme en bas, l’ordre social actuel ne fait que des esclaves, car ceux-là ne sont pas des hommes libres qui n’ont ni le temps ni la force de vivre par les parties les plus nobles de leur esprit et de leur âme.

» Et si vous regardez en bas, quelle pauvreté, je ne dis pas dans les moyens de vivre, mais dans la vie elle-même ! Voyez ces millions d’ouvriers ; ils travaillent dans des usines, dans des ateliers : et ils n’ont dans ces usines, dans ces ateliers, aucun droit ; ils peuvent en être chassés demain. Ils n’ont aucun droit non plus sur la machine qu’ils servent, aucune part de propriété dans l’immense outillage que l’humanité s’est créé pièce à pièce : ils sont des étrangers dans