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Il y a quelques années, au moment où Gambetta signalait le péril clérical, de bonnes sœurs enseignaient dans des couvents qu’il fallait prier pour tout le monde et même pour ses ennemis, mais qu’il fallait excepter de ces prières Gambetta, parce qu’il était l’ennemi de Dieu.

Si un pareil système d’éducation, étriqué et haineux, prévalait dans les classes moyennes de notre pays, il n’y aurait pas seulement péril pour le parti républicain, il y aurait une diminution de l’esprit humain et une humiliation de l’esprit français.

Pour en revenir à la question précise posée par M. Ranc, il est très fâcheux que ce soient les jésuites qui recrutent aussi largement Saint-Cyr et l’armée. Non pas qu’il y ait à craindre, à mon sens, un coup d’État militaire, tenté directement par la réaction. Avec une armée nationale, il n’y a de coup d’État possible que pour les généraux aimés de la démocratie, et si le péril militaire apparaissait jamais dans notre République, ce serait, comme dans l’aventure boulangiste, sous la forme démagogique. Ce ne sont point précisément les cadres de l’armée qui seraient un danger, mais l’armée elle-même. Ce qui est mauvais, ce qui est grave, c’est qu’il n’y ait pas accord d’esprit et de conscience entre les chefs de l’armée et l’armée. Une armée qui serait toute démocratique avec des cadres tout réactionnaires n’aurait que la moitié de sa force. Ce qui a fait la