Page:Jarry - L’Amour en visites, 1898.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
l’amour en visites

dit-elle enfin, de son ton un peu sec, lui donnant un ordre bien plus qu’elle ne le prie.

Lucien bafouille, rougit et sent que son « normal » état empire. Il est complètement à la merci de cette grande femme-là, c’est certain. Qu’elle se doute, une seconde, des… sentiments irrespectueux qui l’animent et il est fichu. Plus de position sociale, plus de protection ; elle le renvoie à ses casernes.

Il a l’envie baroque de bondir par la chambre comme un clown et de jurer comme douze charretiers. Oui, marcher sur la tête, démolir une cloison, et la violer… tout lui serait possible, excepté cependant de rentrer en lui-même.

« Vous me comblez, madame la duchesse ! » répond-il froidement.

Elle sourit de nouveau, de ses dents d’une blancheur égale à celle du mouchoir, et qui le torture. Elle a l’air d’un homme, d’un général, passeur d’inspection, qui va le mordre.

« Bête fauve, bête brute, bête grand-ducale ! s’exclame Lucien en dedans. Si tu savais… Mais tu ne sais pas… Je parie qu’on va dire les grâces, à ton dîner. Merci bien ! Je me trotte…