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l’amour en visites

Manon reprend tout de suite sa grande allure de princesse du trottoir. Elle joue à l’intimider, se relève aussi, très mondaine :

« Je comprends ! Une tasse de thé vous remettra. Moi, je ne vous attendais plus, j’allais sortir. »

Sortir, dans ce costume ! Il est un peu interdit. Elle est vêtue d’un peignoir transparent, garni de valenciennes rousses comme ses cheveux. Fichtre ! Un genre d’uniforme pas banal. On en voit de pareils dans Fin-de-Siècle, Don Juan, la Vie parisienne…, et tous les sales journaux à filles décolletées lui remontent au cerveau. Il a horreur de ces imageries où pour deux sous on s’offre des noces à z’yeux que veux-tu, qui vous laissent pour un million plus altéré. Par contenance, il reboutonne son vêtement et murmure d’un ton rageur :

« J’ai eu tort de venir avec des pantalons rouges, n’est-ce pas ?

— Mais non. j’adore les petits soldats, je vous assura. Comment diable avez-vous fait pour atteindre la toise ? »

Il reste immobile, appuyé au fauteuil, saisi d’une crainte peu à peu devenue colère. Eh