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l’amour en visites

dile sent le musc, dit-on ! Il a un fier toupet, l’alligator, de longer mon bateau. Attends, mon vieux, je vais t’appuyer une conduite… »

Il dresse un bras et le décor s’écroule dans le fracas de porcelaine d’une grande potiche brisée d’un coup de poing.

Lucien se renverse de l’autre côté. Maintenant délivré du souci de ce crocodile, son bateau reprend la mer à toutes voiles, il s’élance sur les tapis de fourrures, les corbeilles de fleurs, et la cime de l’arbre qui est un palmier en caisse, orné d’une écharpe de soierie. Il bondit d’un fauteuil à l’autre, danse sur la pointe des objets de verre sans les casser et traverse les abat-jour des lampes sans éteindre les flammes.

Au vent du large, les cordages de la mâture battent furieusement contre ses tempes. Il ferme les yeux pour ne pas avoir le vertige. Ah ! tout n’est pas simple dans le métier de capitaine de vaisseau. La tempête augmente. Il n’a pas le mal de mer parce que son estomac est capable d’avaler le flux entier d’un océan de champagne sans en rendre le reflux, mais il est de mieux en mieux, tellement qu’il