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l’amour en visites

la fiancée
(Elle est en abat-jour Empire vieux rose et le coiffeur lui a fait, le matin même, une frisure savante autour du front. Elle ressemble à une Alsacienne de brasserie, molle, blonde, les yeux vides, le front bas, grosses lèvres insexuées, fortes mains, des pieds de singe et une voix de violon sur lequel de nombreux chats auraient pleuré.)

Je ne vous attendais plus ! J’avais pourtant mille choses à vous dire, Lucien. Bonjour, mon cher petit Lucien.

(Elle lui tend la main, puis la retire en un jeu savant de coquette pour sauterie au piano. Lucien regarde cette main avec une terreur croissante. Il a peur de ne pas pouvoir la baiser.)

Maman est sortie ! Qui est-ce qui est content ? C’est mon petit Luc… mon petit Lucien chéri… je lui réserve une jolie surprise : embrassez-moi… là… sur les cheveux… mais, sans rien abîmer… (Elle lève un doigt.)