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ble physique, et c’est ce trouble physique qui est la cause directe et déterminante de la folie. En un mot, il en est de toutes les causes morales comme de l’ivresse, qui n’attaque l’entendement qu’après avoir lésé le cerveau. C’est là une théorie ingénieuse mais qui me paraît bien compliquée. N’est-ce pas comme si l’on disait : J’apprends la nouvelle de la mort d’un ami ; cette nouvelle imprime une secousse anormale à mon cerveau, et à la suite de cette secousse j’éprouve une grande douleur, d’où il suivrait que le chagrin causé par la mort d’un ami ne serait en réalité que la conséquence d’un mal de tête. On ne peut admettre une pareille conséquence, et il faut reconnaître qu’il y a des liaisons immédiates entre les faits moraux. S’il en est ainsi, le désordre intellectuel ou affectif peut être un de ces faits qui se produisent spontanément dans l’âme, ou du moins dont la cause déterminante est dans un des états antérieurs de l’âme elle-même. J’avoue maintenant volontiers qu’une suite de phénomènes moraux peut avoir sa répercussion dans l’organisme ; mais cette répercussion n’est qu’un effet, et non une cause : autrement c’est renverser toute la psychologie et revenir à son insu, par un chemin détourné, à l’hypothèse de l’homme-machine.

En vérité, je ne vois pas ce qui peut empêcher d’admettre que le trouble initial qui détermine la folie est tantôt dans le corps et tantôt dans l’âme,