Page:Janet - Le cerveau et la pensee, 1867.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vent à s’appliquer à des idées fausses avec une singulière subtilité. Réciproquement, tel ordre de pensées, tel ordre d’affections peut disparaître seul, le reste demeurant intact. On a toutefois répondu à cette objection que ces faits sont absolument analogues à ceux qui se produisent dans l’ordre de nos sensations, sans que l’on soit pour cela obligé de conclure à la diversité des siéges organiques. Ainsi tous les nerfs sensitifs de la peau ont assurément les mêmes propriétés[1], et cependant un malade peut perdre la sensation de température et conserver la sensation de douleur, de tact et réciproque-

  1. C’est ce qu’affirme M. Vulpian (Leçons sur la physiologie générale et comparée du système nerveux faites au Muséum, Paris, 1866) ; mais est-il bien démontré que les nerfs tactiles jouissent tous des mêmes propriétés et sont tous homogènes ? Gratiolet paraissait incliner à l’opinion opposée. « Les sens, disait-il (Anatomie comparée du système nerveux, p. 403), sont moins simples qu’on ne l’avait supposé, et il est probable que les nerfs d’un même sens contiennent plusieurs variétés de filaments élémentaires. Gall admettait dans le nerf optique l’existence d’autant d’éléments doués de propriétés spéciales que nous pouvons distinguer de couleurs. Certaines expériences de M. Claude Bernard confirment ces vues quant aux sens du goût, et la pluralité des sens du toucher n’est plus un doute pour personne. » Ce qui paraît du reste certain, c’est qu’il est impossible d’admettre autant d’espèces de nerfs qu’il y a d’espèces de sensations, car il en faudrait un nombre infini.