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qui ont servi sans doute déjà à mille combinaisons différentes. Tous les génies des siècles passés échappent donc au scalpel. Ceux du siècle présent ne se prêteraient pas volontiers peut-être à des expériences de ce genre. Que prouveraient d’ailleurs quelques faits particuliers dans une question si délicate et si complexe ? Enfin, M. Moreau (de Tours) lui-même déclare qu’il est impossible de découvrir par les sens la propriété physique dont l’intelligence peut dépendre. Car il dit expressément : « L’état organique en question n’est pas de la nature de ceux que nos sens peuvent atteindre. »

Il est donc parfaitement établi que l’anatomie pathologique ne peut rien pour éclaircir la question, c’est-à-dire pour démontrer l’identité physiologique du génie et de la folie.

Privé de cette preuve, à quelle sorte d’arguments peut-on avoir recours ? Il y en a de deux espèces : 1o l’analogie ; 2o la biographie. Exposons ces deux genres de preuves, et montrons leur insuffisance.

1. La preuve par analogie consiste à montrer que dans l’état de fièvre, de délire même, d’exaltation cérébrale, dans toutes sortes d’états nerveux irréguliers et morbides, et enfin à l’agonie, on voit très-souvent l’intelligence se déployer d’une manière extraordinaire et inattendue : d’où l’on peut conclure que la maladie amène, dans le cours de son évolution, précisément cette sorte d’état organique