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— Ce n’est point leur seule influence. Mon père, qui préparait aussi des baumes, m’a appris ce que tu ne sais point au sujet de ces fleurs. Elles ont des vertus secrètes qui tiennent plus à nos âmes qu’à nos corps. Infusées dans de l’eau de rivière, elles donnent un pâle extrait qui, enfermé dans un médaillon d’or que l’on a soin de maintenir à la place du cœur, guérit de la manie et de l’amour du suicide.

— Mais, Maman, vous avez laissé chez M. de Saint-Laurent vos cornues et vos fourneaux… Ah ! Que feront les empyreumes ?

— Nous pourrons donner à l’apothicaire nos herbes, afin qu’il prépare lui-même les drogues dont nous aurons besoin…

— Ah ! Maman !… Toujours des dépenses… Votre quartier est engagé…

— Ah ! Le petit régent !… Voyez-moi..

— Maman ! Combien je voudrais que cet état de bonheur où nous sommes ne finit point ! Paix du cœur ! Ô vertu ! Tantôt, comme je grimpais la côte, je pleurais de joie en me disant que, cette vilaine maison de la ville, nous l’avons quittée… Que n’est-ce pour toujours, ô Maman ? Que l’Éternel, s’il me faut abandonner ces ombrages bien-aimés, si je dois renoncer à votre chère présence, me reprenne à la fleur de mes jeunes ans !