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Ton fouet aux néfliers ne s’accrochera pas.
Le pommier du matin ne pleuvra pas sur toi.
Je n’aurai que mes chiens et ma boueuse canne.
Et de tout cet amour dont éclate mon âme,
je ne rapporterai que du vide et du sable.

Morte, toi. Morts tous. Mort. Ils ont coupé les branches
que longeait en tremblant la vieille diligence.
Ils ont comblé l’ornière. Ils ont mis du gravier
là où la source coupait la route en deux. Et
le char virgilien n’y peut plus cahoter.

Mais ja sais : Il est pour nous une autre contrée,
celle que les anciens nommaient Champs-Élysées
et dont, un soir d’avril, me parla un poète.
C’est là que, devisant, les amoureuses ombres
vont défiant « le Temps et l’Espace et le Nombre ».

C’est là que tu iras dans ta charrette à âne.
Et je viendrai à toi, que tu veuilles descendre.
Tu souriras, des lys sur ton chapeau de paille,