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II


Ô vent où se défont les Angelus légers,
ainsi que les pommiers fleuris dans les vergers ;
qui argentés et fais remuer la pelouse ;
qui fais sonner le pin et froisses l’arbousier ;
qui gonfles le nuage et le traînes. Ô vent,
tu fais encore plus mon âme solitaire
quand je t’entends du fond de ma petite chambre.
Quand j’ai pleuré ou ri, ta voix m’accompagnait.
Lorsque je lis Jean-Jacques, c’est toi qui agites
dans les vieilles gravures les cimes forestières.
Je laisse aller mon âme. Je me dis : Je médite,
quand ma pensée se meurt à t’écouter parler.

C’est toi qui as conduit par l’océan verdâtre
mon aïeul s’en allant aux Antilles en fleurs.
Tu soufflais en tempête au sortir de la France.
La pluie, les grêlons rebondissants venaient battre
le hublot. Les cloisons craquaient. On avait peur.